Entretien avec un demi-démon

Kensylia avait eu beaucoup à faire ces derniers jours, mais désormais, son travail s'était nettement allégé. La jeune femme commençait même à s'ennuyer. Elle s'inquiétait un peu de savoir qui son maître allait choisir pour être Imperator. Si elle le pouvait elle se ferait une joie de verser une petite fiole de poison liquide et mortel dans le contenu du verre de Zangdar. Kensylia sourit à cette idée mais soupira en réalisant que ce n'était pas possible. Malheureusement, même du côté des méchants on ne peut pas tuer qui on veut si elle fait partie de notre camp. Soudain, un bruit d'ailes la fit se retourner et elle eu un petit sourire attendrit en apercevant un corbeau à sa fenêtre.

- Ah Dagan, te voilà de retour.

Elle s'avança dans sa direction mais elle s'assit dans un fauteuil près de la fenêtre où s'était posé le corbeau. Elle le fixa en souriant, attendant qu'il vienne jusqu'à elle.

- Alors, quelles nouvelles m'apportes-tu ?

Kensylia écouta ce que lui racontait Dagan tout en caressant le velours de son accoudoir. Il lui raconta tout ce qu'il avait vu dans le palais, mais elle se fichait bien pas mal que les souverains soient partis et qu'Alia et Roy aient une conversation privée. Pour l'instant ils se retrouvaient en nombre supérieur de partisans du Mal ce qui était bien mais sans grande importance à cet instant pour Kensylia.

- C'est normal qu'ils s'en aillent, leur devoir ici est terminé.

Enfin son serviteur espion commença à lui parler de Zangdar. La figure de la jeune femme se changea en un rictus agacé. Ce que cet homme pouvait l'énerver. Elle tapota nerveusement l'accoudoir du bout de ses doigts puis se leva, commençant à marcher vers la fenêtre pour observer l'exterieur.

- Il croit déjà qu'il a gagné, ça ne m'étonne pas. Tu m'as déjà dit qu'il avait pu voir la conférence de presse ne privé avec l'Empereur. J'ignore ce qu'ils se sont dit mais son Excellence a du le mettre au courant de ses projets. Rhâ si seulement...

Elle s'arrêta, les murs avaient des oreilles. De toute façon, Dagan avait compris. Elle retourna s'asseoir dans son fauteuil et quelqu'un frappa à la porte. La jeune femme ordonna d'entrer d'un ton autoritaire et un petit gobelin tout voûté entra, un plateau à la main sur lequel reposait un verre rempli d'un vin précieux.


- C'est seulement maintenant que tu arrives ? Cela fait déjà dix minutes que je t'ai ordonné d'aller me chercher ce verre.

- Pardonnez-moi maîtresse, mais, les cuisines sont loin et...

- Silence ! Je suis très occupée, tu as de la chance. Laisse-nous !

S'emporta Kensylia après que le petit gobelin lui ait porté son verre. Il était juste arrivé au mauvais moment parce qu'elle avait besoin de défouler sa colère sur quelqu'un d'autre que Dagan. Le serviteur se retira rapidement après s'être mille fois excusé. On sentait dans ses pas un empressement exagéré de fuir la pièce. Elle posa ses doigts contre son front, le coude appuyé sur l'accoudoir et soupira.

- Que fait-on lorsqu'on est entouré d'incompétents ?

Dagan observa sa maîtresse se lever et s'énerver contre son rival. Lui restait silencieux. Il savait que c'était le sujet et sensible et qu'elle allait pratiquement explosé lorsqu'elle apprendrait ça. Et encore il n'osait même pas imaginer qu'elle serait sa réaction si Darkhell venait à choisir Zangdar pour Imperator. Sans doute serait-on obliger de les déplacer dans une autre aile du palais car l'actuelle aurait explosé.
L'arrivée du gnome n'arrangea pas les choses. Il avait été trop long au goût de leur maîtresse et elle profita de la présence du pauvre innocent pour déverser rapidement un peu de sa colère. De nouveau, le jeune demi-démon l'observa faire sans grande réaction. Alors après que le petit gnome soit sorti, la jeune femme s'assit dans son fauteuil d'un air abattu et posa une question à haute voix. Dagan ne comprit pas qu'elle ne lui était pas réellement adressé et y répondit :

- On change de serviteurs. Cependant je considère que je vous sert bien et que vous n'avez pas de raisons de vous plaindre de moi. 

Il la fixait de ses yeux verts avec sérieux. Ne se rendant pas compte que ce qu'il disait pouvait encore plus attiser la colère de sa maîtresse. Il restait là, immobile, fixant la jeune femme, le visage inexpressif. Même si elle le renvoyait, elle ne pourrait jamais se débarrasser de lui à moins de le tuer, car il avait une dette éternelle envers lui, elle lui avait sauvé la vie autrefois et désormais, et à jamais, il devait la servir.

Se défouler sur eux ? Alors c'était à ça que lui servait ses serviteurs ? Pourtant sur lui elle ne s'était jamais défoulé. C'était sans doute parce qu'il était très compétent et donc qu'elle n'avait aucune raison de se plaindre de lui. Il était sans doute le meilleur espion de Télania.

- Je vous remercie de ne pas vouloir vous débarrasser de moi.

Répondit-il simplement à sa première phrase. Sa maîtresse se remit à s'agiter devant lui. Elle était énervée, c'était certain, mais ce n'était pas en agissant de la sorte que l'Empereur lui donnerait son titre d'Imperator. Dagan savait qu'elle ne le désirait pas avidement comme Zangdar, il connaissait les raisons pour lesquelles elle souhaitait accéder à ce poste, mais elle ne pouvait rien faire de plus que ce qu'elle faisait déjà. Après tout, la décision apartenait à l'Empereur même, et il ne se baserait pas sur ce qu'elle ferait de plus à partir de maintenant mais sur ce qu'elle avait accomplit depuis le début de son entrée chez les darkhellions. 

- Maîtresse, si je puis vous permettre, vous devriez déjà commencer par cesser d'agir ainsi, de vous énerver contre Zangdar et de montrer votre aversion pour cet homme. Je doute fort que l'Empereur soit satisfait du fait qu'il y ait des rivalités entres ses meilleurs partisans. Et vous n'avez rien de plus à faire, continuez d'agir comme vous l'avez toujours fait et vous pourrez peut-être accédé au poste d'Imperator, mais vous savez très bien que la décision appartient à l'Empereur seul et qu'il se basera sur de très nombreux critères. 


Après avoir dit cela, Dagan fixa sa maîtresse silencieusement avec beaucoup de sérieux. Il ne mâchait pas ses mots et conseillait sa maîtresse comme il le voulait.

Kensylia ne pu s'empêcher de rire au remerciement de Dastan. Comme si elle pouvait vouloir se débarrasser de lui. Elle se laissa glissa dans son fauteuil dans un air las, écoutant son fidèle serviteur. Elle posa son coude sur l'accoudoir du fauteuil et son menton sur sa main. Elle soupira.

- Je dois reconnaître que tu as raison. Je devrai me concentrer sur ce que j'ai à faire plutôt que de m'énerver contre lui. Enfin, bientôt nous saurons le fin mot de toute cette histoire. J'ai hâte que la famille Daimon s'en aille, lorsqu'il ne restera plus que l’Élue du Bien notre maître pourra amorcer son plan. Les as-tu vu ces pauvres moutons du Bien qui pensent que la paix va réellement régner. Non... Ce ne sont pas des moutons, je pense qu'ils se doute que tout n'est pas si simple, du moins certains dirigeants. Néanmoins ils sont assez sots pour laisser leur Élue seule ici. Je connais un peu la réputation et la puissance du mage Mythos mais je ne suis pas sûr qu'il sera suffisant pour protéger cette fille. 

Tout en parlant, la femme brune s'était levé et approché de la fenêtre. Elle observait par la fenêtre un groupe de gens du Bien qui souriaient. Elle les trouvait pathétiques, comment pouvait-on accueillir des pauvres comme ça dans l'enceinte du palais impérial ? Même si c'était pour son plan, l'Empereur était un peu trop généreux. Enfin, elle n'avait rien à y redire, il savait parfaitement ce qu'il faisait et chacun de ses actes avait un eraison d'être.

Dagan ne bougeait pas de sa place, il se contentait de suivre les mouvements de sa maîtresse de son regard. Il fut plus apaisé lorsqu'elle se calma et admit qu'il avait raison, mais il n'en laissa rien paraître. Alors elle se mit à parler des peuples du Bien, et du fait qu'ils étaient pathétiques, et de l’Élue du Bien qui fonçait tête baissé dans un piège, seule.


- L’Élue du Bien n'est pas seule, le seigneur Forciticus a pour mission de veiller sur elle. Je sais qu'il n'est pas très puissant, mais je pense qu'il saura l'épauler. Elle est beaucoup moins seule que ce que vous pensez, croyez-moi. Les partisans du Bien, n'importe où qu'ils se trouvent, même s'ils croient en la paix, veillent sur elle comme un trésor précieux et fragile. J'ai vu comment sa famille et ses amis se comportent avec elle, leur lien est puissant et si elle a le moindre problème vous pouvez être sûre qu'ils seront près d'elle en quelques instants.

Le jeune homme mettait en garde Kensylia. Elle vaiat tendance à sous-estimer ses ennemis, et les ennemis du Mal. Dagan s'inquiétait de cela car c'était l'un des points faibles de sa maîtresse qui risquait beaucoup à ne pas voir leur vraie valeur. C'était sa façon de la protéger.

Kensylia se retourna vers lui puis détourna son regard du sien en haussant les épaules d'un air dédaigneux :

- Pff ! Ces minables ont perdu la guerre, ne le vois-tu pas ? Ils sont venus en rampant jusqu'ici pour demander grâce au seigneur des Ténèbres. Ils n'ont pas la force de se relever, leurs royaumes sont en ruine, leurs armées sont défaites et leur symbole d'espoir ne sera bientôt plus qu'un souvenir et cette fois son Excellence s'assurera qu'elle ne revienne pas tu peux me croire. Tu dis que je sous-estime nos ennemis, mais ne serait-ce pas toi qui sous-estime le pouvoir des Ténèbres ?

S'il savait l'amuser, le jeune homme savait aussi l'agacer. Elle s'avança de nouveau vers son verre, le saisit et bu ce qui restait puis elle le reposa nerveusement, elle alla s’installer à son bureau.

Dagan soupira intérieurement. Sur ce point sa maîtresse ne voulait jamais l'écouter et cela l'inquiétait. Un jour elle risquait de le payer très cher. 

- La guerre n'est pas fini, vous le savez très bien. Pourquoi le seigneur des Ténèbres voudrait-il anéantir ce qu'il reste des partisans du Bien sinon ? Et ils opposeront de la résistance c'est une certitude, ce n'est donc qu'une pause dans la guerre, mais celle-ci est bien là, elle gronde en silence.

Kensylia semblait ne pas l'écouter et elle semblait même agacée. Pourtant le jeune homme essayait juste de la mettre en garde et de la protéger.

- Maîtresse je vous en prie, écoutez-moi...

Kensylia fit un geste de a main pour montrer à son serviteur qu'elle était agacée.

- Assez ! Cela suffit ! Je ne veux plus t'entendre !

Et elle se retourna vivement, tournant le dos au jeune homme. Elle en avait assez, et trouvait que parfois le jeune homme prenait un peu trop de graine à son goût. A cet instant, un homme frappa à la porte et entra sur l'ordre de Kensylia. Il portait une pile de parchemin dans ses bras.

- Des papiers pour vous madame. Dit-il en inclinant la tête.

- Posez-les ici. Répondit la femme brune en indiquant le bureau.

L'homme s'exécuta. Il n'avait pas l'allure d'un serviteur mais plutôt d'un membre de l'administration, vêtu avec des vêtement de classe moyenne. Il s'inclina de nouveau avant de sortir et referma la porte derrière lui. Kensylia s'avança vers son bureau et pris le premier parchemin de la pile. Elle avait du travail. Elle lu rapidement le document et sans se retourner elle indiqua à Dagan :

- Je dois travailler maintenant, retournes à ton travail. Ordonna-t-elle froidement sans un regard.

Dagan baissa la tête et se tut. Il n’appréciait guère être rabroué de la sorte, encore moins par sa maîtresse. Le caractère de Kensylia était parfois sur à vivre, lui ne cherchait qu'à a mettre en garde et à la protéger, et elle se vexait en ne voulant pas reconnaître que leurs ennemis étaient quand même forts. Un magistrat entra dans la pièce pour apporter des parchemins à le femme brune. Dagan l'observa sans un mot puis porta son regard sur la pile de parchemin qui venait d'être déposée sur le bureau de sa maîtresse. L'administration il n'aimait vraiment pas ça, heureusement, sa maîtresse l'employait pour tout autre chose. Après un bref regard sur l'un des parchemins, sa maîtresse lui ordonna de disposer.


- Je vois que je vous ennuie maîtresse, je vais donc me retirer.

Son ton montrait qu'il n'était pas très content d'être renvoyé sur un coup de mauvaise humeur de Kansylia. Celle-ci ne sembla cependant pas touchée par les propos du jeune homme qui se changea en corbeau et sortie par la fenêtre ouverte. Il commença à voler à travers le palais, observant tout ce qu'il pouvait, comme à son habitude, de la manière la plus discrète possible. Il vit rapidement l’Élue du Bien entrer dans le bureau de l'Empereur et le mage blanc Mythos disparaître. Cet homme était une véritable anguille, Dagan n'arrivait jamais à le pister plus de trois minutes, ce qui le vexait assez. Mais cette fois-ci il s'en fichait. Il continua sa déambulation à travers le palais en observant chacun de ses occupants avec attention...